Une situation inacceptable.

Je travaille à la rédaction d’un livre sur le fleuve Saint-Laurent et j’effectue des suivis sur certains dossiers pour m’assurer que mes informations demeurent courantes. L’un de ces dossiers vise le retrait d’obus militaires dans le lac Saint-Pierre. De 1952 à 1999, le ministère de la Défense nationale a utilisé une partie du lac pour effectuer des essais balistiques à partir du Centre d’essais et d’expérimentation en munitions de Nicolet.

 Je me souviens d’avoir visité mon grand-père à sa ferme de Pierreville et de l’avoir accompagné un jour à Nicolet pour y effectuer des emplettes. À un moment donné, la route longeait une haute clôture qui n’était pas comme les autres ; des barbelés empêchaient les téméraires de tenter de la grimper. Mon grand-père m’avait expliqué que la clôture protégeait un champ de tir et j’ai trouvé, dans ma tête d’enfant, qu’il était normal pour l’armée d’avoir un terrain pour tester ses armes et munitions.

J’ai bien écrit « un terrain ». J’étais loin de penser que l’armée envoyait ses obus dans le lac Saint-Pierre. Le ministère de la Défense nationale estime que plus de 300 000 projectiles se trouvent encore dans le fond du lac, dont 8000 sont des obus qui contiennent encore des matières explosives. Le danger que posent ces obus est devenu une réalité en 1982. Claudette Houle et son mari étaient réunis sur le bord du lac autour d’un feu de joie pour fêter la Saint-Jean-Baptiste lorsqu’un obus a explosé. Le mari est décédé.

Durant les années 2006-2018, la société, Mine E.O.D, avait la responsabilité de retirer les obus du lac. Cette société est spécialisée dans les services de détection et d’enlèvement des munitions non explosées. Durant cette période, la société a retiré ou détruit 2000 UXO (munitions explosives non explosées).

En septembre 2021, le gouvernement Legault a autorisé le ministère de la Défense nationale à débuter un autre projet pour retirer 15 000 obus du lac. C’est moins de 5 % des obus qui ont été lancés. La société Sanexen a obtenu le contrat. (plus bas soumissionnaire, j’imagine.) Difficile de comprendre cet objectif minable, lorsqu’une analyse du ministère de la Défense (MDN) juge que les milliers de projectiles dans le lac représentent « un risque réel et significatif d’accident potentiellement mortel ».

Ce projet, pour retirer les obus, dont l’objectif est navrant, a rencontré de multiples difficultés. Durant la première année du contrat (2021), aucun obus n’a été retiré et en 2022, 400 obus ont été retirés. Le contrat exigeait que 1550 obus soient retirés chaque année ; le contrat s’élevait à 2,6 millions de dollars. Devant ces mauvais résultats, je me suis intéressé à Sanexen, la compagnie responsable. Sur son site web, la compagnie se décrit comme « un leader mondial au service d’organisations emblématiques et de premier plan, avec un impact significatif et une intégrité exemplaire. »  Cette description a sûrement été pondue par un comité qui voulait y inclure le plus de buzzwords possible. Plusieurs projets sont décrits sur le site, mais il n’est pas question de l’enlèvement d’obus dans le lac Saint-Pierre. Le ministère de la Défense aurait repoussé à 2032 l’échéance du contrat.

Ce projet semble complexe et très dispendieux. Le ministère de la Défense nationale pour sa part juge qu’il est impossible de retirer tous les projectiles du lac. Cette opinion doit être contestée. Le lac Saint-Pierre est un écosystème riche qui est reconnu comme étant une réserve de la biosphère par l’UNESCO.

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