Morue et compagnie.

Les eaux du fleuve Saint-Laurent cachent une vie aquatique qui évolue au gré des circonstances. Tous les changements, surtout ceux initiés par l’humain, peuvent avoir des conséquences inattendues sur la dynamique entre les différentes espèces. La morue est un bon exemple. Il existe deux populations distinctes de morue dans le golfe du Saint-Laurent : au sud, autour de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et au nord, de la Côte-Nord et l’île d’Anticosti jusqu’à Terre-Neuve. Les deux populations ont fait l’objet d’une pêche commerciale sans contrôle durant des décennies et les deux sont aujourd’hui en péril.

La pêche à la morue dans le golf et à Terre-Neuve était considérée comme un attribut important du Canada depuis des siècles. Aussi loin que l’année 1497, l’équipage de l’explorateur John Cabot déclarait que la morue était tellement abondante : « qu’elle était pêchée non seulement avec un filet, mais aussi avec un panier déposé dans l’eau avec une pierre ! » Une fois l’existence de cette abondance connue, des bateaux de pêche de Grande-Bretagne, de France, d’Espagne et du Portugal traversèrent l’Atlantique pour pêcher la morue. Cette pêche s’est poursuivie durant des siècles. Que s’est-il donc passé ?

Dans les années cinquante et les années qui ont suivi, la technologie de la pêche s’est développée avec l’arrivée des sonars et des bateaux-usines qui pouvaient rester en mer plusieurs mois. Selon des statistiques, la biomasse exploitable de la morue a chuté de 82 % entre 1962 et 1977.

Dans mon premier blogue de cette série, j’écrivais que les ministères chargés de protéger nos ressources sont dysfonctionnels : les scientistes constatent et font des rapports, les fonctionnaires ignorent ces derniers et se conforment aux objectifs de leur ministère quel qu’en soit les conséquences et les politiciens réagissent aux pressions des électeurs. La morue est un bon exemple de cette situation. Dès 1986, des rapports scientifiques étaient publiés annonçant que la surpêche était en voie de faire disparaître la morue. Les fonctionnaires de Pêches et Océans Canada ont ignoré la mise en garde qui allait à l’encontre de leur premier objectif qui vise la promotion d’activités de marine commerciales visant la création d’emploi pour des villages souvent isolés. Les politiciens, pour qui le dossier était une patate chaude, n’ont pas osé prendre de décision devant l’importance de cette pêche pour leurs concitoyens.

Finalement, le gouvernement n’a pas eu le choix de déclarer un moratoire. C’était en 1992. Le ministre des Pêches et Océans, John Crosbie, imposa un moratoire sur la pêche à la morue. La situation était sans retour. Près de 40 000 Terre-Neuviens perdirent leur emploi, la province se retrouva au milieu d’une crise économique et la province subit une diminution de sa population dont elle ne s’est jamais remise. Ce moratoire fit beaucoup de bruit à travers le Canada. Au même moment, l’Union européenne imposait un embargo sur les produits dérivés du phoque.

Pendant que la morue connaît des difficultés à revenir, la population de phoques gris a maintenant rejoint le nombre de 340 000 individus dans l’est du Canada. (10 000 dans les années soixante-dix.) L’abondance de phoque gris expliquerait les difficultés que connaît la morue à revenir dans le golfe. Merci Brigitte Bardot ; dire que j’ai déjà été amouraché d’elle.

Face à ce moratoire, les pêcheurs de morue se sont tournés vers le crabe des neiges. En 2017, le ministère des Pêches et Océans a annoncé que la population de crabes des neiges avait diminué de plus de 80 % durant les quatre dernières années, mais, cela est une tout autre histoire ou serait-ce l’histoire qui se répète ?

4 réflexions au sujet de “Morue et compagnie.”

  1. Bonjour Michel,
    Très intéressant ton article et surtout très informatif. Nous consommant toujours de la morue mais celle-ci est importée
    d’Irlande ou des pays scandinaves. Nous sommes allés en Irlande il y a quelques années et avons consommé du (fish & ships) de morue et je n’ai pas entendu personne parler de diminution de stocks de morue dans les mers avoisinantes. Je me demande ce qu’ils font pour la conservation. Probablement des quotas, peut- peut-être contrôlent -ils la population de phoques, Ils doivent certainement faire quelque chose.

    Sami

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  2. Super intéressant ton article et en réponse a la question a la fin de ton texte, je crois que c‘est l‘histoire qui se répète car c‘est pas mal ce qu‘il se passe présentement avec le homard dans l‘état du Maine.

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    • Bonjour Robert. Je crois que tu as raison pour les homards du Maine mais les changements climatiques ont réchauffé l’eau et les homards remontent vers le nord. Bonne nouvelle pour nous autres.

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