Les homards sont en abondance en Gaspésie et les pêcheurs s’attendent à une année record. Dans un reportage de Radio-Canada, le directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie attribuait ce résultat aux pêcheurs qui, selon lui, avaient fait beaucoup d’efforts pour parvenir à une pêche durable. Selon le directeur général, les pêcheurs ont appris à leurs dépens, les effets de la surpêche. En 2010, les homardiers avaient récolté à peine plus de 1000 tonnes de homard. En 2023, la quantité débarquée est estimée à 4900 tonnes. Les pêcheurs prennent crédit pour le retour des homards en Gaspésie ; je n’ai aucune raison de croire que leurs efforts n’ont pas porté fruit, mais attention ils ne mentionnent que sur le bout des lèvres que les changements climatiques sont aussi responsables.
Pendant que les pêcheurs de la Gaspésie se pètent les bretelles, ceux de l’État du Maine font face à une diminution significative du nombre de homards sur les côtes de l’Atlantique. L’augmentation de la température de l’eau est la raison principale de la migration des homards vers l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent.
L’augmentation de la population de homards dans le Saint-Laurent serait donc en partie du à l’immigration des homards de l’état du Maine vers le Québec. Sans aucun doute que ces immigrants se reproduisent avec nos homards de souche. Leur progéniture peut-elle être considérée comme des homards québécois ? Peut-on se fier à l’élastique bleu qui entoure les pinces ? C’est peut-être la raison pour laquelle l’origine québécoise des captures est maintenant identifiée au pêcheur. Un homard capturé au Québec est accompagné d’une étiquette qui permet de connaître le nom du pêcheur et le nom de son bateau.
La nature est difficile à comprendre. Pendant que les homards envahissent le golf et l’estuaire du Saint-Laurent à la recherche d’eau froide, les stocks de crevettes nordiques (crevettes de Matane) diminuent de façon dramatique due au réchauffement des eaux profondes du Saint-Laurent. Les quotas de pêche de crevettes ont diminué de 30 000 tonnes il y a dix ans à 3,060 tonnes pour la saison 2024 avec le résultat que l’usine de transformation de la crevette à Matane vient de fermer. Difficile à comprendre. Le déclin des stocks de crevettes est aussi dû à la baisse de l’oxygène et à la prédation par le sébaste, un poisson qui effectue un retour dans le golfe.
Lorsque nous analysons les raisons pour lesquelles nos crevettes nordiques sont en voie de disparaître, il est possible de croire que l’abondance de nos homards dans le fleuve pourrait n’être qu’un phénomène à court terme. J’utilise le « nous » possessif parce que tant les crevettes que les homards nous appartiennent. Pêches et Océans Canada est l’institution fédérale responsable de la protection de ces ressources et les pêcheurs sont nos mandataires pour récolter cette ressource qui nous appartient. Les deux groupes nous assurent qu’ils prennent au sérieux la survivance de ces espèces. Ils peuvent bien prendre au sérieux leurs responsabilités, mais la grande difficulté réside dans l’impossibilité de prévoir les conséquences des changements climatiques sur notre fleuve et ses habitants.
Ceci est possiblement une exagération mais est-il possible que nos homards continuent leur migration vers les eaux plus froides et un jour se retrouveront au Labrador?
Tu as probablement raison. La nature est imprévisible.