500 millions de poulamons.

J’écoutais récemment une émission sur la pêche aux petits poissons des chenaux à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Un homme, dont je ne me souviens plus ni du nom ni de ses fonctions, déclarait avec un large sourire que dans une bonne saison il se pêchait entre 3 et 4 millions de ces poissons dont le nom scientifique est le poulamon de l’Atlantique. Est-ce vraiment une raison d’être fier et de se vanter d’un tel exploit ? Le poulamon est le plus petit de la grande famille des morues. Le nombre de prises m’a pris par surprise et j’ai tout de suite pensé à une surpêche sans contrôle, mais la personne interviewée, pour rassurer l’auditoire, j’imagine, s’est empressée de déclarer que plus de 500 millions de poulamons se présentaient à l’embouchure de la rivière Sainte-Anne chaque année pour y frayer en laissant leurs œufs dans les interstices de frasil. Une femelle de taille moyenne peut produire près de 8000 œufs. La rivière Sainte-Anne demeure la principale frayère connue de l’espèce. Des chiffres impressionnants.

Le même interlocuteur estimait que les poissons quitteraient la rivière vers le 19 février. La question qui me vient à l’esprit : où vont-ils ? Après une brève recherche, je découvre qu’ils se retrouvent dans l’estuaire du Saint-Laurent en amont de Baie-Saint-Paul et de Rivière-Ouelle. Autrefois, l’espèce était abondante et pouvait être pêchée du lac Saint-Pierre aux îles de Sorel. Des frayères se trouvaient sur les rivières Saint-Maurice et Batiscan. Les poissons ont disparu de ces frayères et devant cette constatation, il est raisonnable de croire que le poulamon pourrait être considéré comme une espèce en difficulté dans le Saint-Laurent.

Mais d’où vient cet engouement pour la pêche aux petits poissons des chenaux. La pêche est en déclin. Cette année, 400 cabanes sont en exploitation. Il y en a déjà eu jusqu’à 1200. La pêche au poulamon ne date pas d’hier. Des recherches archéologiques le long des rives de la rivière Saint-Maurice près de Trois-Rivières ont démontré que les Iroquois pêchaient le poulamon entre les années 1000 et 1100. Au dix-septième siècle, les colonisateurs pêchaient le poulamon au temps des fêtes d’où son surnom à l’époque de poisson des fêtes. La pêche à Sainte-Anne-de-la-Pérade a débuté en 1938.

S’il y a un tel engouement pour le poulamon de l’Atlantique, il est facile d’arriver à la conclusion qu’il doit être bon à manger, sinon pourquoi le pêcher ? Les quelques recettes que j’ai consultées commencent toutes avec la préparation du poulamon : cette préparation doit s’effectuer avec un poisson congelé. Un bon couteau permet de retrancher la tête et la queue ; il faut ensuite couper le dos et le ventre d’une épaisseur de trois millimètres. Pour terminer, il faut enlever la peau. Le poisson, ou ce qui en reste, est maintenant prêt pour la cuisson. Durant cette préparation, il est possible de trouver chez les femelles du caviar qui est comestible.

Le poisson peut être frit, en bouillotte, en chaudrée ou encore au gratin. Lorsqu’il est servi, il reste une étape importante : avant de manger, il est suggéré de couper l’arrête dorsale pour enlever les nombreuses arrêtes que contient le poisson. Le poisson mesure entre 15 et 30 centimètres et après la préparation, les filets sont minuscules. Je ne peux m’empêcher de penser au nombre de filets nécessaires pour satisfaire un bon appétit. Il me semble que c’est beaucoup de troubles pour pas grand-chose. J’avoue n’avoir jamais mangé de poulamon, mais j’adore les filets de perchaude qui eux aussi sont un paquet de troubles à préparer.

6 réflexions au sujet de “500 millions de poulamons.”

  1. … et la perchaude est en mauvaise posture au Lac-Saint-Pierre, non pas en raison de la surpêche mais bien de la destruction, dans les année 80, de ses frayères dans les zones inondables du lac. Une erreur monumentale que l’on tente de réparer aujourd’hui à grand frais (sans vouloir faire un jeu de mot).

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