L’immigration et le Saint-Laurent.

Il n’y a pas que l’humain qui doit faire face aux défis de l’immigration, la faune du fleuve Saint-Laurent doit aussi faire face à la venue d’espèces d’ailleurs. Il y a dans le fleuve plus de 100 espèces de poissons et près de 2000 espèces d’invertébrés marins. Sur le fleuve, il n’y a pas de frontière et sur une base régulière, nous apprenons que des espèces venues d’ailleurs élisent domicile dans notre fleuve sans que nous puissions y faire quoi que ce soit. Souvent, des recherchistes, de connivence avec des journalistes à la recherche de sensationnalisme, nous annoncent que ces nouvelles espèces représentent un grave danger pour nos espèces indigènes. Il me semble que j’ai entendu le même discours lorsqu’il est question de recevoir des réfugiés et des immigrants.

Je suis convaincu que plusieurs parmi vous, vous rappelez les discours alarmistes annonçant l’arrivée des moules zébrées dans notre fleuve Saint-Laurent. Elles venaient de l’Ukraine et du sud de la Russie. C’était au début des années 90 ; l’invasion menaçait la faune du fleuve et ces petites moules d’eau douce devaient, à un moment donné, obstruer nos prises d’eau potable et engendrer des problèmes d’approvisionnement. On en parle plus ou presque. Mais, voyez-vous, la moule zébrée n’est pas la seule à avoir immigrée de cette région éloignée. La moule quagga, plus grosse que la moule zébrée, est arrivée peu de temps après du même coin de la planète et a ralenti la progression de sa consœur. Où sont les journalistes qui nous faisaient craindre le pire ?

Depuis des décennies, les analystes nous mettaient en garde sur les conséquences de ce qu’ils avaient baptisé le péril jaune. Dans ma jeunesse, mon imaginaire voyait l’arrivée massive d’Asiatiques alors que dans les faits ils sont restés chez eux et ils sont en voie de gouverner le monde. Ce n’est pas les petits Chinois qui sont venus chez nous, c’est la carpe asiatique qui a d’abord envahi les Grands Lacs et qui prend d’assaut le fleuve Saint-Laurent, le Richelieu et la rivière Saint-François. La carpe asiatique dévore les herbiers, un habitat essentiel à certaines de nos espèces indigènes. Elles deviennent aussi trop grosses pour être dévorées par nos espèces indigènes ; un spécimen de 1,26 mètre et de 29 kilos a été pêché à Contrecœur par un pêcheur commercial. L’invasion de la carpe asiatique est un problème sérieux et les gouvernements ne semblent pas savoir quoi faire.

Des fois quand le gouvernement s’en mêle, il y a des conséquences inattendues. Un bon exemple est le bar rayé du Saint-Laurent qui est maintenant considéré comme éteint dans le fleuve. Mais il faut savoir qu’il s’agit ici des bars rayés de souche. La disparition imminente du bar rayé a eu pour résultat que le ministère des Forets, de la Faune et des Parcs a introduit dans le fleuve, en 2002, des bars rayés originaires de la rivière Miramichi au Nouveau-Brunswick. Ces bars d’une autre province aiment le Saint-Laurent et sont de plus en plus nombreux, mais il est important de noter que pour les fins de statistiques gouvernementales, ils ne sont pas considérés comme des bars rayés de souche. C’est quoi la différence ? Ils ne comprennent pas le français ?

Les scientistes du gouvernement observent le phénomène de l’invasion d’espèces étrangères et c’est à peu près tout ce qu’ils font. Ils soulèvent des hypothèses sur les causes de cette immigration, mais ne suggèrent aucune solution. Pourquoi pas de solutions ? Poser la question c’est y répondre. Il n’y en a pas et il vaut mieux apprendre à vivre avec ces nouveaux arrivés qui refusent de s’intégrer et de s’assimiler à nos espèces de souches.