Partie 4 : Les TÉMOINS du CORONER
Il fallait maintenant que j’obtienne une copie du rapport du coroner. La réponse à une lettre que j’avais envoyée au bureau du coroner me dirige vers la BAnQ, la Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Il n’a suffi que de quelques jours pour recevoir une copie du rapport du coroner, les 300 pages.
Le rapport débute par la conclusion : le décès est accidentel. Le deuxième document donne les raisons pour lesquelles une enquête est nécessaire : « Il y a eu un incendie dans la résidence et le décès de Paul Comtois n’est pas survenu de façon naturelle, mais a été causé par une asphyxie au monoxyde de carbone, une carbonisation et une mutilation causée par l’incendie. »
Le coroner explique ensuite que son enquête se limitera au rapport fourni par le commissaire aux incendies et à la rencontre de 19 témoins dont : l’enquêteur de la Sûreté du Québec, un pathologiste et un chimiste suivi par la fille de Paul Comtois, ma tante Mireille, qui habitait Bois-de-Coulonge et qui a été blessé lors de l’incendie. En plus de ces témoignages, le coroner a l’intention de rencontrer les policiers, les pompiers et les employés qui étaient présents la nuit de l’incendie.
Avant la transcription verbatim des témoignages, je retrouve le sommaire d’une rencontre avec Irène Gill, l’épouse de Paul Comtois, ma grand-mère. Il est facile de comprendre que le coroner n’ait pas voulu l’obliger à venir témoigner en personne : elle a 75 ans et elle est encore sous le choc. Dans le sommaire, nous apprenons qu’elle, son mari et le couple Stearns, des amis qui restaient au manoir, étaient sortis pour la soirée et qu’ils étaient revenus à Bois-de-Coulonge vers 23 heures. Tout était normal et ils se sont dirigés vers leurs chambres respectives. Quelques instants plus tard, elle a entendu sa fille Mireille crier qu’il y avait des flammes dans les escaliers. Elle s’est dirigée vers la chambre de son mari pour le réveiller. Monsieur Comtois s’est alors dirigé vers le corridor et c’est la dernière fois qu’elle l’a vu. Elle est retournée dans sa chambre pour s’habiller et quelques secondes plus tard, le gardien de nuit, Conrad Soucy, s’est présenté et l’a dirigé vers l’aile des employés.
Suive une série de questions reliées à la condition des installations électriques : « Non, nous n’utilisions pas de radiateurs d’appoint puisque le système de chauffage avait été réparé… Oui, nous avons manqué d’électricité durant une réception le 20 janvier dernier… Non, nous ne nous sommes jamais plaint du système électrique sauf la veille de Noël l’année dernière alors que nous avons senti de la fumée ; le problème a été identifié comme un problème électrique dans un poêle utilisé par le gardien de nuit dans les serres.
Les dernières questions sont posées pour que les réponses soient consignées dans le rapport. Elle confirme que son mari était en bonne santé sauf pour un œdème pulmonaire aigu (accumulation de liquides dans les poumons) survenu il y a deux ans. Elle ajoute que Monsieur Comtois avait alors cessé de fumée sous l’insistance de son médecin. Elle confirme ensuite que ni elle, ni les Stearns, leurs amis étaient des fumeurs.
Le premier témoignage est celui du sergent Léopold Désilets, un photographe de la Sûreté du Québec qui soumet en preuve une série de photos. Une première série a été prise le jour même de l’incendie et montre l’édifice détruit et un corps calciné ; d’autres photos ont été prises quelques jours plus tard à la demande d’un chimiste spécialisé, Bernard Bakelet. Ces dernières photos montrent les panneaux électriques situés à l’intérieur et à l’extérieur de l’ancien frigidaire où l’incendie aurait pu commencer ainsi que des photos des fournaises qui semblent intactes, éliminant ainsi la possibilité qu’elles aient explosé.
Le témoin suivant est Mireille qui décrit les évènements tels qu’elle les a vécus ; nous apprenons qu’elle et son père se sont empressés de réveiller leurs amis les Stearns, avec l’intention de prendre les escaliers de secours situés à l’extrémité du manoir. Rendus à ces escaliers, ils se rendent vite compte qu’ils sont impraticables : ils étaient déjà en flammes. Monsieur Comtois donne alors instruction à sa fille et aux Stearns de sortir par une fenêtre pour se réfugier sur le toit de la véranda extérieure. Mireille déclare ensuite et je cite : “J’ai obéi et je me suis tourné dans sa direction pour l’apercevoir poussé le rideau de la chapelle… j’ai pu voir la lumière de la lampe du sanctuaire. Je me suis ensuite rendu sur le toit de la véranda. Quelques secondes plus tard, j’ai entendu des cris venant de l’intérieur et j’ai compris que c’était lui.”
J’ai terminé la lecture du témoignage avec une boule dans l’estomac à la pensée de la mort tragique de mon grand-père et au calvaire qu’a vécu Mireille, ma tante favorite.
Le témoignage de Mireille a sûrement contribué à l’idée que Monsieur Comtois soit retourné à l’intérieur pour sauver l’Eucharistie, mais je continue à penser qu’il est retourné à l’intérieur pour sauver son épouse Irène. Il ne pouvait savoir que le gardien de nuit l’avait sauvé.
Dans le prochain blogue, samedi ; le témoignage des experts.
C‘est passionnant. J‘ai hate d‘en savoir plus.