Le fleuve Saint-Laurent et moi.

Je lis depuis des années des histoires d’horreur sur la pollution des eaux du fleuve Saint-Laurent, des histoires qui devraient soulever la colère de la population, mais qui ne semblent pas attirer l’attention. Le fleuve Saint-Laurent est célébré, avec raison, pour sa beauté, mais cette beauté n’est qu’en surface. Ses eaux cachent une pollution qui devrait faire peur, mais qui ne semble pas déranger.

Si je m’offusque de la pollution du Saint-Laurent, c’est qu’il fait partie de mon enfance ; je me souviens des promenades du dimanche matin, après la grand-messe, avec mon père et mes frères, le long de ses berges bordées de magnifiques ormes. Il était possible de descendre sur ses berges en face du cimetière. Il y avait là des pêcheurs et nous les faisions sacrer en lançant des pierres à l’eau, une activité tout à fait normale pour des enfants. Nous nous faisions ensuite pardonner en attrapant des écrevisses. Ces dernières représentent des appâts de choix.

Nous pouvions apercevoir, à quelques centaines de mètres de la rive, l’île Verte ; je ne sais combien de fois mon père nous a raconté que, plus jeune, il s’y rendait avec des amis. Ce n’est que plus tard que nous avons appris que le mot ami s’écrivait au féminin. Les adolescents de l’époque avaient affublé l’Île du surnom évocateur de « l’île aux Fesses ».

Je suis né à Saint-Lambert à quelques centaines de mètres des berges du Saint-Laurent. Le fleuve était là, nous y avions accès, il faisait partie de notre vie. Jamais nous n’aurions pensé qu’il serait possible de perdre ce cadre champêtre, mais c’est ce qui est arrivé avec la construction de la voie maritime et de la route 132 en 1956 ; j’avais alors dix ans. Les marches du dimanche matin sur les berges furent remplacées par des marches le long d’un énorme chantier. Du haut de mes dix ans, ce chantier était fascinant avec ses dizaines d’excavatrices qui, durant des mois, déplaçaient des tonnes de matériaux. À mon âge, insouciant, je ne réalisais pas ce qui était en train de se produire ; nous étions en voie de perdre notre fleuve et comme prix de consolation, ils nous donnaient une piscine et un grand parc de verdure. C’est ce qu’on appelait le progrès.

 

Mes enfants, eux aussi sont nés tout près du fleuve, mais il ne fait pas partie de leur vie comme moi je l’ai connu. Pour eux, le fleuve n’est rien d’autre qu’un obstacle à franchir pour se rendre à Montréal ; on ne le voit plus. Le Saint-Laurent n’a pas fait partie de l’enfance de mes enfants, encore moins de mes petits-enfants. J’aimerais bien qu’il fasse partie de la vie de mes arrière-petits-enfants, pas comme un actif à exploiter, pas comme un obstacle à franchir, mais comme un actif dont ils pourront profiter.

J’ai donc décidé de faire du fleuve Saint-Laurent le sujet d’une série de blogues pour dénoncer la piètre condition du fleuve et tenter de renverser l’incompréhensible indifférence devant de cette situation.

N’hésitez pas à partager ce blogue.

17 réflexions au sujet de “Le fleuve Saint-Laurent et moi.”

  1. Merci Louis Michel,
    Je vais te suivre tout au long de tes reportages.
    Ayant quelques années de plus que toi, j’ai connu tous ces travaux le long du St-Laurent, étant déménagé avec ma famille à St-Hubert en 1948. La construction de la voie Maritime du St-Laurent, les travaux pour modifier le pont Victoria, le train qui traversait le pont Victoria pour se rendre à Montréal jusqu’en 1956, la construction des pylônes dont celui au milieu du fleuve (1960) les travaux d’agrandissement des Iles pour l’Expo 67 dont la terre et le roc provenait du Fleuve St-Laurent à l’ouest du Pont Victoria, etc. Merci de nous le rappeler.

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  2. En 1952 mes grand-parents ont acheté une maison sur Riverside au coin de Merton et je me souviens très bien que quand nous allions les visiter en été nous pouvions aller faire un tour sur le fleuve avec leur chaloupe qui était amarrée a leur quai directement en face de leur maison. En hiver, nous allions patiner sur le fleuve gelé car M. Ayotte (leur voisin) déblayait une “patinoire“ en face de chez-lui.

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  3. Bonjour Michel,
    Je suis content de te lire à nouveau, Lorsque je suis arrivé à
    St Lambert en 1975, la 132 existait déjà mais mon voisin d »alors, feu Jacques Roy, m’a beaucoup parlé du St- Laurent avant la construction de la 132. Je t’avoue que ça me faisait
    rêver. Monsieur Roy me parlait de L’achigan qu’il pouvait attraper à main nue lorsque les eaux montaient jusqu’aux environs du parc Dulwich, avant qu’il ne soit aménagé comme parc.

    En regardant par la fenêtre de ma cuisine qui donnait sur la rue Smiley, je me suis souvent imaginé entrain de me promener dans les marécages du St-Laurent à la recherche de poissons et d’autres espèces, ces marécages maintenant remplacés par de l’asphalte et du gazon.

    Sami

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  4. J’habitais de 1 à 5 ans (1948 à 1952) sur Mercille à 3 maisons du coin de Riverside et de ma chambre je voyais l’hiver les camions de déneigement qui venaient au bour de la rue Mercille décharger dans le Fleuve la neige ramassée dans les rues de la Ville.
    J’ai hâte de lire ton prochain blogue Michel.

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  5. Bonjour M. Gratton
    Un message de mon papa Ronald Lavigueur qui a tant connu cette époque. Votre texte l’a touché… Il a grandit avec la famille Leroyer, adopté par Alfred Leroyer, un des frères fondateurs, de notre mythique aqueduc…

    Merci Michel pour les beaux souvenirs que tu me rappelle en parlant du (beau) fleuve St Laurent. Moi aussi il fait parti de mon enfance. J’ai vécu tout ce que tu d’écris. Je demeurais sur la rue. St Denis coin Riverside. ? Ronald Lavigueur

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    • Merci pour votre commentaire. Plusieurs de mes lecteurs qui ont grandi à Saint-Lambert m’ont fait parvenir leurs souvenirs.
      Il semble que j’ai touché une corde sensible pour plusieurs d’entre eux.
      Mes salutations à votre père.

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  6. Beaux souvenirs d’enfance…nous habitions sur Lorne, en face du presbytère…Nous allions parfois nous asseoir sur le bord du mur qui surplombait la rive, avant la 132…Nous avons exploré, au grand désespoir de mes parents, le bord de l’eau…Ma sœur ainée s’est déjà baignée dans le fleuve, avant la voie maritime. Lorsque l’Expo était en construction, je me souviens que nous allions dans le parc des Maires, pour assister chaque soir aux explosions qui ont bouleversé le lit du fleuve en face de St-Lambert, pour créer l’lle Notre-Dame. Toute une génération a assisté, impuissante, à la perte de notre accès au fleuve, et de la quiétude qu’offrait un environnement sans autoroute et sans Evenko!!!

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  7. Bonjour Michel,
    Très intéressant d’activer la grande roue de l’histoire et de focuser sur notre vécu municipal des années d’après-guerre.
    L’arrivée de la Voie-Maritime du Saint-Laurent était là réponse aux grands développements économiques nord-américains, inaugurée par la Reine Élisabeth et le président Eisenhower.
    De la même façon, lors de l’Expo 67, les droits territoriaux de Saint-Lambert ont été vite contournés pour le bien de la nation.

    Quoiqu’il en soit, le développement de la circulation maritime et du commerce dans les grands lacs aura vite pollué notre cour d’eau.

    De la même génération, nos familles ( Fortin et Gratton) se voisinaient et ont vu ces grands développements comme une transformation nécessaire et normale. Il y avait alors de nombreuses familles de 4-5-ou 6 enfants…qui ont attendu 1960 pour aller nager à la piscine, n’ayant jusqu’alors que les pataugeoires pour tout lieu de baignade.
    Il est intéressant de lire les commentaires venant de membre des familles Lavigueur, Guillet, deGranpré, Bazinet,…et ceux qui pourraient venir des Detonnancour’ , Bérubé, Camerlain, Ranger, Lanthier, Tourigny, et j’en passe.

    On sera à l’écoute.

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