En décembre dernier, Judy et moi avons décidé de réaliser l’un des projets que nous avions inscrits sur notre « bucket list » ; passer un mois dans un appartement à Paris et vivre à la parisienne. Un ami, le spécialiste en livres anciens Serge Duhamel, nous avait donné une adresse sur Gay-Lussac dans le 5e arrondissement. Notre intention était de louer pour le mois de mars ; impossible, tout était loué sauf le mois de février. C’était réglé, nous allions passer le mois de février à Paris. À ce moment-là, la putain de bibitte n’était rien d’autre qu’une espèce exotique vivant en Chine.
Notre mois à Paris fut agréable, pas de neige et une température qui a varié entre 5 et 10 Celsius, mais Paris est triste en hiver. Je ne peux passer sous silence un agréable déjeuner, rue Mouffetard, dans un restaurant de la place Contrescarpe avec l’écrivaine Arlette Cousture, une amie d’enfance. Ce n’est que durant la dernière semaine que nous apprenons que la damnée bibitte est en voie d’envahir l’Europe. Le jour de notre départ, 40 personnes à Paris sont atteintes par l’infâme bibitte qui est maintenant devenue une espèce envahissante. Ce n’est que quelques jours après notre retour à Montréal que nous réalisons que nous avons été chanceux ; si nous avions loué le mois de mars…
Nous sommes à peine revenus que nous nous trouvons en quarantaine. Bien oui, nous avons plus de soixante-dix ans. Nous acceptons sans nous laisser abattre, du moins pour le moment. J’ai beaucoup à faire : je dois terminer la révision de mon quatrième roman, poursuivre la rédaction de la série de blogues sur les mauvais traitements que subit le fleuve Saint-Laurent. J’ai maintenant beaucoup de temps sur les bras, même trop peut-être. Il semble que la satanée bibitte fera des siennes pour encore quelques mois. La motivation pour travailler est difficile ; trop facile de remettre au lendemain.
L’exécrable bibitte fait maintenant partie de nos vies. Elle a envahi tous les bulletins de nouvelles et nos politiciens font ce qu’ils peuvent devant une situation dont on ne connaît pas l’issue. Ce qui me fatigue le plus c’est que l’odieuse bibitte est invisible ; elle peut nous sauter dessus à n’importe quel moment, de n’importe où, de n’importe qui, au point où nous commençons à souffrir de paranoïa. Nous voilà rendus à désinfecter l’épicerie que notre fils, Louis, et que ma jeune sœur, Danielle, nous livrent. Ça va pour les conserves et les emballages de plastique, mais les fruits et légumes demeurent un défi. J’ai encore de la difficulté à laver les raisins verts avec du savon et de l’eau ; c’est l’enfer quand vient le temps de les essuyer. Ne me dites pas que ce n’est pas nécessaire ; impossible de savoir derrière quel raisin la sournoise bibitte se cache.
Nous respectons la quarantaine et nous nous permettons de faire de longues marches, côte à côte, sans respecter les deux mètres de distance. Pour ceux qui nous regardent de travers, j’aimerais les informer que nous sommes mariés depuis plus de cinquante ans, que nous partageons le même lit et qu’il arrive, à l’occasion, que nos corps se touchent.
Personne ne peut accuser cette abominable bibitte de racisme ; elle affecte tout le monde, quelle que soit la couleur de la peau, la religion, la langue, l’orientation sexuelle, les riches, les pauvres, les baby-boomers, les X, les Y et les milléniaux. Aucune frontière n’est à son épreuve.
Il est temps de réaliser que nous vivons tous sur la même planète.
Je suis content de savoir que vous êtes de retour sans cette abominable bibite. En ce qui me concerne je suis toujours en santé. Prenez soin de vous deux et continuez de faire vos sorties en couple, c’est permis et c’est bon de savoir que le couple est en santé.
Cette bibite va nous faire repenser la façon avec laquelle nous vivons nos vies. Quand elle sera partie il faudrait continuer a mettre en pratique certaines habitudes que nous auront prises durant la crise.
J’adore ta conclusion Michel. Nous vivons tous sur la même planète en effet; y a pas à sortir de là, nous sommes dû pour nous entendre ensemble, il y va de notre survie.
Merci pour ce texte.
Jacques
Comme tu le dis très bien méchantes bibite. Je fais bientôt partis de ton groupe d’age à quelques mois près et comme je ne trust pas la bibite de savoir conter je ne prend pas de chance. Et comme toi moi aussi je suis au lavage de tout ce qui rentre . Et même lavé je le regarde en me disant est-ce que tu seras mon dernier. Je n’y laisse pas le temps de répondre que je l’engouffre avant qu’il me répondre.
Bien heureux que tout c’est bien passer lors de ton séjour. Bon retour parmi les quarantaineux.
Selon le dicton, tout arrive pour une raison. Ce voyage bien mérité à Paris était inscrit dans votre destin. Vous avez eu la déception de devoir modifier votre date, mais vous en êtes sortis vainqueurs et chanceux…très chanceux. Bravo!
”Tout arrive pour une raison”……quoi penser de ce cauchemar que vit notre planète entière? Inutile de même tenter de chercher une raison….
Espérons que le monde s’en sortira….vainqueur? Fort probablement mais à quel prix? Nous nous considérons chanceux, car la bibitte ne nous a pas encore sauté dessus , et nous essayons de garder espoir.
Merci pour ton texte qui a réussi à nous faire sourire, et même rire, en ces moments inquiétants.
Eh oui, nous vivons tous sur la même planète qui peut être fantastique souvent et sournoise à ses heures.
Quand je n’en peux plus de la maudite bibite sournoise, j’éteint radio et télé.
La paix et un peu le silence de mon village me réconcilient avec l’avenir.
Les oiseaux printaniers sont revenus, mes nichoirs ont trouvé leurs locataires, mes chiens ont aussi “le printemps”.
Ça va bien aller!
Michel, tu m’as fait bien rire, ce qui n’est pas inutile en pareil moment.
Quant à ma femme et moi, nous sommes réfugiés au fond des bois sur 220 acres de forêt, près de la frontière américaine, aucun humain en vue. Aucun problème de distance pour les octogénaire et septuagénaire que nous sommes. Amitié. CP