Le décès de Paul Comtois #2

Partie 2 : HYPOTHÈSES

Les articles parus dans les journaux durant la semaine qui a suivi l’incendie me paraissent être l’endroit le plus logique où commencer mes recherches. La tâche m’est facilitée par mère qui avait conservé des copies des journaux publiés durant la semaine qui a suivi le décès de son père. Elle avait placé ces journaux dans une boîte dont j’ai hérité après son décès. Il n’y a aucun doute qu’elle avait l’intention un jour de préparer un album de découpures, mais elle n’en a jamais eu le courage. La boîte est donc demeurée fermée durant 50 ans.

J’ai commencé mes recherches avec les éditions de fin de journée du 21 février, 1966, la journée même de l’incendie. Ma première surprise survient durant la lecture du deuxième paragraphe de l’article paru dans le Montreal Star. Je cite et traduis : « Monsieur Comtois est décédé dans l’édifice au moment où il aurait apparemment  tenté de sauver l’Eucharistie de la chapelle privée. » L’article ne donne pas ses sources pour les informations, mais les éditeurs l’ont jugé suffisamment importante pour la placer au début de l’article. L’auteur de l’article fait aussi état de rumeurs au sujet d’explosions qui auraient précédé l’incendie et soulève l’hypothèse que des fils téléphoniques auraient été coupés. L’article se termine en rappelant que plusieurs menaces téléphoniques avaient été reçues au cours des dernières années à un tel point que la police avait augmenté ses patrouilles de surveillance. Deux autres journaux de la même journée font mention des explosions.

À la suite de la lecture de ces premiers reportages, les doutes que j’ai toujours maintenus semblent se confirmer même si le contenu des articles repose sur ce qui n’est rien de plus que des spéculations.

Le jour de l’incendie, alors que les cendres sont encore chaudes, je suis surpris d’une déclaration que je retrouve dans le journal l’Action ; le sergent Léo-Edgar Caron, un enquêteur de la Sûreté du Québec affirme que l’enquête avait déjà éliminé la possibilité d’un incendie criminel même si la cause de l’incendie n’avait pas été encore déterminée. Cette déclaration, le jour même de l’incident, me semble prématurée. Devant les spéculations soulevées durant les premiers reportages, la Sûreté aurait-elle reçu des instructions de calmer le jeu et d’éliminer, du moins pour le moment, la possibilité d’un acte terroriste. Le gouvernement libéral avait plusieurs raisons d’agir ainsi : des élections étaient imminentes et la Province se préparait à recevoir le Monde à l’occasion de l’Expo 67. Des activités terroristes auraient été un désastre tant pour les Libéraux que pour la Province.

Le lendemain de l’incendie, The Gazette publie un éditorial décrivant Paul Comtois comme une personne « de distinction et de générosité ». Encore une fois, l’idée qu’il serait décédé à la suite d’une tentative pour sauver l’Eucharistie est mentionnée et, encore une fois, aucune source n’est mentionnée. La même journée, un autre éditorial, celui-là publié dans l’Action, un journal catholique, fait état de la piété de Paul Comtois, mais omet, à ma surprise, toute référence à l’idée qu’il soit décédé à la suite de sa tentative de sauver l’Eucharistie.

Dans la même journée, La Presse nous informe que la Sûreté du Québec tiendra une enquête du coroner la semaine suivante même si, selon les policiers, les circonstances entourant l’incendie semblent évidentes et sans complication ; selon les journaux, l’incendie aurait été causé par l’explosion de la fournaise. Dans la même édition, Julien Chouinard, le ministre de la Justice, déclare que toutes les rumeurs entourant les causes de l’incendie sont sans fondement bien que la véritable cause de l’incendie n’est pas encore connue pour cet « incident malheureux ». Cette déclaration est pour le moins ambiguë.

Deux jours plus tard, le 23 février, tous les journaux annoncent la nomination de Hughes Lapointe à titre de Lieutenant-Gouverneur, mais je retiens une déclaration du premier ministre canadien Lester B. Pearson : « les circonstances entourant l’incendie, tel que je les connais aujourd’hui, mériteraient une enquête ». La réaction du premier ministre du Québec ne sait pas fait attendre : « Il n’y a rien de suspect dans l’incendie. » Encore une déclaration prématurée, effectuée avant même l’enquête du coroner.

Le même jour, F.X. Perreault, le responsable de l’enquête du Commissaire aux incendies déclare qu’il est en mesure d’éliminer l’explosion de la fournaise comme la cause de l’incendie. Il poursuit en déclarant qu’il est d’avis que l’incendie aurait débuté dans le hall d’entrée de la résidence.

L’hypothèse d’un acte criminel demeure une possibilité, mais personne n’ose en parler à l’exception d’Auguste Choquette, le député fédéral de la circonscription de Lotbinière qui continue de croire en cette possibilité allant jusqu’à soumettre une question à la Chambre des communes : « La Gendarmerie Royale du Canada est-elle impliquée dans l’enquête sur l’incendie de Bois-de-Coulonge et possède-t-elle des informations laissant croire à l’implication de terroristes souverainistes. » La question ne s’est jamais rendue à l’ordre du jour.

2 réflexions au sujet de “Le décès de Paul Comtois #2”

  1. C’est vraiment une chance que tu avais encore cette boîte. Je suis d’accord que si ta mère t’a laissé ces documents c’est qu’elle avait confiance qu’un jour tu approfondirais cette triste histoire.

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