Ce matin, en réaction au débat, les titres des journaux sont accrocheurs, mais ne reflètent pas la réalité; tout ce qui a été dit hier soir avait déjà été dit. Les analystes politiques, qui espéraient plus de flammèches, se sont comportés comme des critiques de spectacle, reprochant aux participants l’absence de répliques susceptibles de porter un knock-out et, bien évidemment, de faire la première page des journaux.
Or le débat d’hier soir s’est terminé par une décision partagée et, en fin de compte, n’aura pas changé grand-chose.
Mais ces débats font partie des mœurs politiques et les candidats doivent les subir avec une grande prudence, sachant très bien qu’une réplique assassine d’un adversaire peut être dévastatrice. Je vous soumets, sur le sujet, un extrait de mon roman Le candidat, dans lequel Maxime Beaubien se prépare au débat à venir.
(Mise en situation : Maxime Beaubien, le candidat, et Brahm Vandyck, son responsable du programme, rencontrent Anna Tomokerny, une spécialiste des débats télévisés.)
Anna intervient :
— Malheureusement, les débats sont perçus comme un évènement sportif et les médias, le soir même, cherchent à déterminer un vainqueur. Or il y a rarement des vainqueurs, il y a plutôt un perdant. Dans le débat Nixon-Kennedy, Nixon a perdu à cause de son apparence : il n’était pas maquillé, des gouttes de sueur perlaient sur son front et il paraissait nerveux. Ce n’est qu’après que nous avons appris qu’il était malade ce jour-là. Dans le débat Ford-Carter, c’est l’étrange déclaration de Ford qui le fit perdre. Si vous vous souvenez, il avait déclaré que les Soviétiques ne dominaient pas les pays de l’Europe de l’Est. Nous étions en 1976, au beau milieu de la guerre froide.
Brahm interrompt et renchérit :
— Le débat, dont je me souviens en particulier est celui entre les deux candidats à la vice-présidence Lloyd Benson et Dan Quayle. Quayle tentait d’établir des similarités entre lui et Jack Kennedy. La réplique de Benson avait fait les manchettes de tous les journaux et elle est passée à l’histoire : « Je connaissais Jack Kennedy. Jack Kennedy était mon ami, et je vous assure, Monsieur le Sénateur, vous n’êtes pas un Jack Kennedy. »
Professeur Tomorkeny ajoute :
— Un rare cas de argumentum ad hominen qui a réussit.
Comme déclaration professorale, on n’aurait pas pu faire mieux. Heureusement, elle explique :
— Les attaques personnelles réussissent rarement dans un débat.
Extrais du roman Le candidat, publié aux Éditions au Carré inc. et en vente dans toutes les bonnes librairies.
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