Au lendemain des débats, les participants sont bombardés de réactions. Tout un chacun y va de ses commentaires : il y a, bien évidemment, les textes des analystes politiques et des journalistes qui, loin de faire preuve d’impartialité, ont peine à cacher leurs sympathies personnelles pour un candidat ou un autre; il y a aussi l’entourage politique dont les commentaires, imbus de partisanerie, réconfortent, mais ces dernières doivent être pris avec le grain de sel de circonstance.
Mais qu’en est-il des candidats eux-mêmes?
Lors de la rédaction de mon roman Le candidat j’avais décrit la nuit difficile de Maxime Beaubien, mon personnage principal, au lendemain de son débat (avec ses adversaires Jean-François Boulé et Carl Jodoin) la campagne à la mairie de Montréal. Ce chapitre n’a pas résisté au couperet de mon éditeur et n’a donc pas été inclus dans la version définitive du roman. C’est avec plaisir que je partage avec vous ces quelques paragraphes inédits.
(Quatre heures du matin, couché sur le dos, immobile, les yeux grand ouverts.)
Je pense au débat télévisé de la veille : les trois versions du débat. La version préparée que nous avions travaillée toute la semaine avec Carole, Brahm et madame Tomorkeny alors qu’ils m’ont fait répéter ad nauseam mes réponses et mes répliques. La version réelle, celle que les citoyens ont pu regarder lors de l’actuel débat. J’ai été satisfait de ma performance : mes réponses et mes répliques ont été bonnes même si pas tout à fait conformes à ce que nous avions préparé. Je subis, cette nuit, la troisième version, la meilleure des trois, celle avec les réponses et les répliques brillantes que j’aurais dû utiliser. C’est toujours plus facile avec du recul.
(Il faut que je m’endorme. J’ai besoin de mon sommeil. Les prochains jours seront difficiles. Tourne sur le côté gauche.)
À mon humble avis, le débat n’a pas eu de gagnant. Mon entourage maintient que j’ai gagné, mais les analystes de fin de soirée ont déclaré le match nul entre Boulé et moi. Carl Jodoin n’a été qu’agaçant. J’ai respecté le scénario qui avait été développé : j’ai répété, et répété, et répété que Montréal était une ville-région, que cette ville-région dépassait les limites de l’île, que cette ville-région devait se doter d’une force politique indépendante pour faire face au lobby monolithique des régions et que cette force politique dont Montréal avait besoin était le Parti que je dirige. Carole m’avait bien défendu d’utiliser le terme « monolithique », parce que trop professorale. Elle ne voulait pas que je parle au-dessus de la tête de l’auditoire, mais je n’ai pu m’empêcher. Le naturel revient au galop. De son côté, Boulé a tenté de jouer le rôle de l’homme authentique à la Régis Labeaume. Je ne crois pas que l’auditoire a acheté ce remake de sa personnalité. Il sonnait faux.
(Toujours bien réveillé. Coucher sur le ventre. Je lirais bien, mais Noémie dort et je ne veux pas la déranger.)
Boulé a orienté ses remarques sur les besoins d’une administration honnête et transparente. Il a aussi gagné des points lorsqu’il a cité certaines de mes chroniques les plus controversées. Il fallait bien que je m’attende à cela. Il a soulevé, entre autres, ma chronique qui proposait d’enlever le droit de grève dans les services publics et celle où je proposais l’idée de forcer l’engagement d’anglophones et d’ethnies dans la fonction publique de façon à atteindre des pourcentages représentatifs de ces minorités dans la population de la région de Montréal. Lorsque j’ai rédigé ces chroniques, mon objectif était de soulever le débat. J’étais loin de penser qu’un jour je serais candidat à la mairie et que ces chroniques me colleraient aux fesses.
Extraits inédits du manuscrit de mon roman Le candidat, publié aux Éditions au Carré inc. et en vente dans toutes les bonnes librairies.
Je n’ai pas encore lu Le Candidat, mais ça viendra bientôt. Ces passages inédits, je l’espère, ont dû être retranchés pour rendre la structure du roman efficace. Si ça n’a pas été le cas, je trouverais dommage que l’on ait enlevé ces paragraphes politiquement importants. La réaction du protagoniste par rapport à sa performance dans un débat est intéressante. Michel, si tel n’est pas le cas, je te suggère de changer d’éditeur. 🙂
Je te remercies pour ces compléments d’information. Très intéressant.
Gilles